Les Avions de Michel Tanguy et Ernest Laverdure : DANGER DANS LE CIEL
Cette troisième aventure de Tanguy et Laverdure , publiée en 1963 alors qu'ils ne sont pas encore devenus les « Chevaliers du Ciel » (titre de la série TV dérivée des BD), se place alors que de retour en France, jeunes lieutenants frais émoulus de l'école de chasse de Meknès (à l'époque on s'entraînait de l'autre côté de la Médierranée), ils se retrouvent affectés à la 10ème escadre de chasse.. En matière de matériel , il faut attendre la 3eme planche pour voir un avion mais par contre on nous gratifie dès le départ d'une bonne vue de la voiture de Laverdure : une Rolls Royce Phantom 1 d'avant la guerre de 14-18 à la décoration très particulière. On peut se demander comment il a pu se payer une pareille machine sur une solde de lieutenant ! A la 3ème planche apparaissent les SM-B2 10-BS et 10-BU. Le SM-B2fut le premier chasseur d'Europe occidentale à passer le mur du son en vol horizontal le 3 mars 1955. La 10ème escadre fut la première à recevoir cet appareil en 1958, elle devait les garder jusqu'en 1974. Deux autres escadres furent également équipées de SM-B2 les 5ème et 12ème escadre de chasse. La planche 11 est assez fascinante pour un maquettiste car à l'occasion d'un amphi-cabine donné aux deux héros on peut découvrire un schéma du tableau de bord.
Profitant des qualités supersoniques de la bête Laverdure passe le mur du son au ras de la piste (et du bureau du Colonel) à bord du 10-SR à la planche 12. Tanguy vole lui plus sagement sur le 10-ST tandis que leur instructeur, Jaubert, utilise le 10-SY. Petite frayeur pour un pilote de Hunter F4 belge (n°301) à la planche 16 poursuivi par 10-RZ et 10-RT. L(histoire ne commence vraiment qu'à la planche 17 avec un bref rappel des différentes expériences antérieures de vol vertical : Pogo (1954), XV-13 (1955-59), Short SC1(1957-1960) et côté français l'évocation du crash du SNECMA Coléoptère le 25-07-59. Rétrospectivement on s'étonnera de l'absence du Hawker P1127 (qui devait déboucher sur le Hawker Harrier qui fit parler de lui durant la « Guerre des Malouines / Falklands ») qui décolla le 19 novembre 1960. L'absence du prototype Dassault Balzac peut s'expliquer car il ne vola qu'en 1962. Toutefois on peut s'étonner de ce que, à part avoir collé à l'actualité en faisant du prototype VTOL un produit Dassault , le scénariste Jean-Michel Charlier n'ait évoqué que des appareils dont on savait déjà qu'ils étaient dépassés. La formule « assis sur la queue » (Tail-sitter) avait en particulier démontré ses désavantages avec le Pogo. La planche 18 nous montre d'autres SM-B2 : 10-SU, 10-SL et 10-SR mais c'est 10-RT qui retiendra notre attention car en planche 20 il utilise son panier à roquettes Matra 105 sur une pauvre montgolfière. L'intérêt ici est que cet armement, inspiré des paniers de Mighty Mouse emportés par les chasseurs américains de la décennie précédente, sera vite abandonné. A la planche 25 , Michel Tanguy, à bord d'un MH-1521 Broussard piloté par Ernest Laverdure porte le premier coup à l'enemi.
Le Max Holste Broussard fit son premier vol le 17 novembre 1955. Capable d'emporter 6 hommes il fut mis en service en Juin 1955 et avec 335 exemplaires commandé devint la « bonne à tout faire » de l'Armée de l'Air.
L'affaire se corse en planche32 avec le décollage d'un curieux quadriréacteur d'une mystérieuse « International Transport Airlines ». Le sigle évoque l'UTA mais elle ne fut créée qu'en 1963, alors que l'album était déjà publié. L'appareil lui-même est une création du dessinateur Uderzo, comme tous les avions ennemis de cette aventure. Si le fuselage et les ailes évoquent les Boeing B707 et Douglas DC8, l'empennage est indubitablement celui d'une Caravelle. Il est très possible qu'Uderzo ait utilisé les maquettes Solido qui sont de tailles assez proche pour réaliser la conversion. Notez que si cela se veut un avion « de l'Est » ( comme beaucoup de méchants de l'époque) les réacteurs Pratt & Whitney JT3C-6 sont parfaitement identifiables par leurs tuyères « anti-bruit ». Cet appareil est immatriculé 6X-681. Naturellement cette immatriculation est fictive, le plus proche étant 5X...l'Ouganda ! L'avion de reconnaissance de Oth est un dérivé de F104 comme on le voit dans l'article maquettiste qui lui est consacré. C'est ce qui accrédite l'idée qu'Uderzo ait pu travailler à partir de maquettes converties pour les avions fictifs qui apparaissent dans l'histoire. Curieusement alors que l'avion de Oth est désarmé il dispose d'un viseur à collimateur (planche 41) ce qui ne me semble idéal pour viser avec une caméra ventrale! La configuration avion porteur/avion parasite représentée ici semble dérivée de ce qui fut utilisé pour lancer le Bell X-1. Le drone qui abat les 10-SU (pilote Tellier) et 10-SR (pilote Tellier) est inspiré par les Firebee américains. A la planche 41 apparaît , pour une unique case, ce fameux Mirage VTOL tail sitter qui paraît un peu désuet de nos jours. De manière assez surprenante, c'est le seul VTOL imaginaire aque ses cocardes attribuent sans aucun doute à l'Armée de l'Air de toutes les BD d'aviation (les Coléoptères de Dan Cooper ont une décoration civile). Après l'apparition éclair d'un Boeing 707 planche 42 on va vers la fin sans nouveaux avions. A remarquer que malgré une poursuite aérienne de 6 pages, Tanguy ne se sert pas une seule fois de l'armement de son SM-B2 qu'il s'agisse des roquettes Matra ou des canons DEFA 5-52 de 30mm.
En conclusion : une histoire intelligement construite, où l'on ne s'ennuie pas un instant, qui est visiblement inspirée de l'incident de l'U2 de Gary Powers (abattu au dessus de l'URSS en Mai 1960). Elle mets en valeur les chasseurs de pointe du moment de l'Armée de l'Air face à des appareils inventés mais crédibles sans aucune violence inutile (ils étaient bien élevés les héros de cette époque là). A noter que Laverdure n'a même pas l'occasion de draguer durant cette aventure, c'est dire que c'est mené tambour battant. Ce rythme n'a pas du plaire à Charlier car toutes les autres aventures de Tanguy et Laverdure (sauf la suivante « l'Escadrille des Cigognes ») seront en deux albums.
