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LES AVIONS DANS LES AVENTURES DE TINTIN


COKE EN STOCK (1956)
Festival aéronautique dans cet album qui débute avec les DC3 de l'Arabair (métal naturel avec « cheatline » et empennage vertical rouges) dont celui immatriculé KH-OZD se crash. L'immatriculation KH- est fictive mais désigne visiblement l'Emirat du Khemed. La suggestion par l'Emir que certains pourraient servir à des transports militaires discrets évoque bien des épisodes passés de l'Aéronautique et devait se poursuivre bien après la parution de l'album (par exemple la fameuse « Compagnie Aérienne de la CIA », Air America, au Viet-Nam). Les révolutionnaires du cheikh Bab-el-ehr utilisent des Mosquitoes d'une variante encore inconnue qui se caractérise par l'installation de quatre canons de 20mm ( ?) en carré dans le nez (la variante de chasse « historique », le mkVI, dispose de quatre canons de 20 mm dans le nez mais disposés tous sur le même plan, plus quatre mitrailleuses en soute ventrale) et une verrière « bombardier » à bulles latérales. Certains sont immatriculés, d'autres non (dont celui de Szut, le mercenaire Estonien). Dans le premier cas, l'immatriculation est portée en arabe sur et sous l'aile ainsi que sur le sommet de la queue. .BLUE RIDER a commercialisé une planche de décalques pour cet avion malheureusement incomplète : il manque les numéros d'immatriculation (en Arabe) sur le fuselage et l'empennage du Mosquito.. Le Mosquito, bombardier rapide devenu chasseur à long rayon d'action avait été conçu durant la 2ème Guerre Mondiale mais avait eu de beaux jours encore jusqu'au début des années cinquante dans diverses forces aériennes dont la France et la Belgique. Il était donc réaliste d'en imaginer certains revendus à d'occasion à des petits pays ou a des révolutionnaires en mal d'indépendance comme le cheikh Bab-El-ehr. Durant toute la deuxième moitié des années quarante, les forces armées Israéliennes naissantes avaient ainsi racheté du matériel de toutes origines, y compris des matériels « démilitarisés » qui avaient été réarmés sur place. Quand à leurs adversaires arabes ils avaient été jusqu'à se ré-équipper avec du vieux matériel ex-Allemand revendu par l'Espagne …ou la France (prises de guerre). Un Fairchild  24 (appareil de transport léger utilisé par l'USAAF et la RAF durant la 2ème Guerre Mondiale)  jaune immatriculé KH-ADF est utilisé par les trafiquants d'esclaves de Rastapopoulos. Finalement l'US Navy intervient avec des Curtiss Seahawk. Cet appareil peu connu est un choix étrange de la part de Hergé. Le Seahawk est entré en service en Octobre 1944 abord du croiseur USS Guam et fut produit à 600 exemplaires durant l'année qui suivi. Son usage est conforme à ce que dépeint l'album mais il arriva à une époque où déclinait le rôle des hydravions embarqués à bord des navires de ligne. Un TBM Avenger ou même un Bell HTL-1 (premier hélicoptère conçu spécifiquement pour la lutte anti sous-marine) aurait été plus dans la continuité des albums passés et à venir qui montrent toujours le dernier cri de la technologie aéronautique. D'ailleurs avoir intercepté le sous-marin pirate (dont la raison d'être pour le trafic d'esclave n'est pas apparent) avec seulement 4 charges de profondeur est un coup de chance. En effet les Seahawk avaient ainsi épuisé toute leur force offensive et auraient dû être remontés à bord du croiseur Par contre du point de vue de la chronologie de l'album, le choix des Seahawk explique que lors de l'arraisonnement du yacht de Rastapopoulos, les 2 hydravions (qui représentent la moitié de l' élément aérien embarqué à bord du croiseur US) ne sont pas disponibles pour poursuivre le sous-marin de poche de Rastapopoulos..
L'étude des avions mets l'accent sur un problème chronologique au sein de cette histoire. En effet l'affaire des Mosquitoes conforte la datation de l'histoire au milieu des années cinquante : les derniers Mosquitoes de l'Armée de l'Air française furent retirés du service en 1952 et ceux de la Force Aérienne Belge en 1956 : il est donc tout à fait logique qu'ils soient disponibles pour être revendus à des petits pays émergents comme le Khemed. Par contre le Seahawk comme il a été dit plus haut est complètement « has been » à l'époque et n'est plus en service au sein de l'US Navy. Par ailleurs les avions américains arborent depuis Janvier 1947 une étoile blanche dont les « pattes » latérales sont barrées de rouge…ce que n'ont pas les Seahawk de Tintin. La remarque du commandant du croiseur sur « la guerre [qui] a cessé n'est-ce-pas ? » lorsqu'on lui signale un sous-marin contribue à positionner l'ensemble de la séquence des Seahawk à 1946, 1947 au plus tard… soit presque dix ans avant l'épisode des Mosquitoes. Curieux non ? Le Seahawk est disponible depuis peu chez A
NTARÈS et MPM au 1/72, le Mosquito existe chez AIRFIX , HASEGAWA et FROG au 1/72, AIRFIX et MONOGRAM et TAMIYA au 1/48. Quand au DC3 vous avez le choix entre ACADEMY (1/144), DOYUSHA (1/100), AIRFIX, ESCI, ITALERI et leurs reboîtages (1/72) et MONOGRAM (1/48)

DC3 de l'Arabair issu d'une maquette Italeri avec immatriculation s aux décalques à sec et logos et  label Arabair en arabe peints à la main ….

Mosquito Airfix  au nez modifié  avec décoration Blue Rider . Aucune tentative n'a été faite pour peindre l'immatriculation en arabe .fournie incomplète par Blue Rider . Il était plus simple de tout éliminer pour faire l'avion de Szut (à noter qu'apparemment ces Mosquitoes sont utilisés en monoplace de chasse ?)

Le mystérieux Curtiss Seahawk anachronique … maquette Antarès au 1/72.

AU TIBET (1958)

Nos héros débarquent au Népal à bord d'un Constellation d'Air India immatriculé VT-DAO. Deux DC-3 d'Indian Airlines (compagnie fondée en 1953) apparaissent dans cette aventure immatriculés VT-DAR et VT-DRO (VT est l'indicatif des avions Indiens). Il est à noter que suite à la demande de la companie les inscriptions Indian Airlines ont été gommées (lors de la parution en album) des cases montrant celui crashé. La compagnie est devenue « Air Sari ». Le DC3 est un avion de transport apparu en 1932 qui a révolutionné le transport aérien car il fut le premier « gros porteur » construit en grande série avec des coûts de revient très bas. Il a servi durant la 2eme Guerre Mondiale comme avion de transport (y compris en URSS : production sous licence, au Japon : production sous licence et en Allemagne : avions achetés avant guerre par la Lufthansa) puis en Corée, en Indochine, au Viet-Nam. Il est probable que quelques un volent encore comme avions cargos pour des petites compagnies locales encore aujourd'hui. Dans l'univers de Tintin c'est aussi le seul avion à apparaître dans deux aventures : Coke en Stock (Arabair) et ici au Tibet (Air Sari). Certes il y a des B707 et des B747 dans deux autres albums (voir ci-dessous) mais ils ne servent qu'à amener les héros à pied d'œuvre ou à les ramener, ils n'ont pas de rôle dans l'aventure

LES BIJOUX DE LA CASTAFIORE (1961)
pas d'avion

VOL 714 POUR SYDNEY (1966)
Deux avions font une brève apparition : l'Albatros SAR  (kit produit par MONOGRAM au 1/72)de la base de Macau VH-CRB -Mais VH- est l'indicatif des avions Australiens ?- et le Boeing 707 (kit produit par HELLER au 1/72 et par à peu près tout le monde à petite échelle)« City of Melbourne » de la Quantas (la compagnie aérienne Australienne qui fut parmi les premières fondées en Novembre 1920 donc qui est plus ancienne qu'Air France !). Mais le vrai héros est le Carreidas C160 Jet. Un triréacteur d'affaire complètement inventé pour l'aventure par Roger Leloup qui avant de devenir le dessinateur de la série des Yoko Tsuno étant le conseiller technologique de l'équipe Hergé. Leloup (qui réalisait à l'époque des planches documentaires pour le Journal de Tintin) ayant dessiné pour lui-même un écorché du Carreidas il fut envisagé de l'intégrer à l'album. Cependant comme il aurait dû être signé Leloup alors qu'un album ne pouvait être signé que « Hergé » il fut finalement décidé de le publier dans le Journal de Tintin.
. La géométrie variable était « dans le vent » à l'époque avec le F-111 qui entrait en service, les Soviétiques qui développaient leur MiG 23 et la France le Mirage G. Même les projets américains concurrents du Concorde utilisaient cette technologie (voir la maquette du Boeing 2707 chez Revell par exemple).

Le Carreidas C160 Jet est réalisé de toutes pièces à partir d'un Falcon au 1/100 Heller et d'un F111 au 1/144 Academy . Vu la taille (15cm environ) l'auteur n'a pas cherché à reproduire l'insigne de queue. Pour voir l'article sur le Carreidas cliquer ICI

LES PICAROS (1975)
Nos héros arrivent au San Théodoros abord d'un Boeing 707 de la compagnie locale Santaéro et en repartent à bord d'un B747 du même opérateur. Le B747 fit sont 1er vol en 1969.  Le seul autre appareil à intervenir est un Mil Mi-1 des forces armées du San Théodoros, olive drab dessus, neutral grey dessous et immatriculé en noir. Comme le San Théodoros est alors un pays allié aux Bordures on peut penser que ceux-ci sont, après avoir été fascistes dans les années 40, dans l'orbite soviétique dans les années 70. Le Mil Mi-1 est en effet une pure production soviétique , Mil et Kamov étant les seuls fabricants d'hélicoptères soviétiques à l'époque. C'est loin d'être le dernier cri et cela doit suggérer que les Soviétiques équipent leurs alliés en deuxième choix . BLUE RIDER a produit une planche de décalques pour le kit existant chez WK /MPM au 1/72 . Il existe aussi un modèle chez PLASTICART  au 1/100

Mi-1 WK au 1/72 . La maquette est assez rustique mais c'est la seule disponible au 1/72 .

Boeing 747 au 1/400 (Heller Cadet) avec décoration Santaero en décalques à sec . La cocarde dun San Théodoros sur la dérive utilise une cocarde norvégienne repeinte...

L'ALPH'ART (1986)

Un Boeing 747 d'Alitalia apparaît dans la version « complétée » de l'Album

En conclusion

Après cette analyse album par album et appareil par appareil on constate que dès les débuts de Tintin (les Soviets), Hergé a accordé une grande importance à la chose aéronautique. Il est également remarquable que le choix des appareils utilisés ait été très éclectique et que d'une certaine manière les avions « classiques » sont sous-représentés. En effet parmi les grands « shows » aériens sur plusieurs cases de Tintin, seuls le Me 109 du Sceptre d'Ottokar, le Tiger Moth de l'Ile Noire, le Bonanza de l'Affaire Tournesol et les Mosquitoes et DC3 de Coke en stock peuvent être considérés comme des « classiques » aéronautiques. A l'inverse les Il-1 des Soviets, le Staggerwing du Sceptre d'Ottokar, le DGA du Crabe aux Pinces d'Or, le Hiller d'Objectif Lune sont des appareils assez obscurs qui ne sont plus guère connus que des spécialistes. Le cas des SM83 de la SABENA ou des hydravions d'Air France et de la Syldair, et même du HTL-3 et de l'Arado 196 est plus complexe car ces appareils eurent probablement droit aux « unes » de la presse grand public en leur temps. Par contre deux cases de Spitfire ou de Boeing 707 dans l'ensemble de l'œuvre ont de quoi surprendre.
Un autre aspect très intéressant et qui explique peut-être pour une part le constat ci-dessus c'est la part belle aux avions civils par rapport aux matériels militaires surtout par comparaison avec la plupart des séries de BD « aéronautiques » (Les Chevaliers du ciel, Buck Danny…). Quand aux combats aériens ils sont très peu nombreux, un seul en fait   les Demon contre l'Auster dans les Cigares du Pharaon. Par contre le Messerchmitt Bordure de Sceptre d'Ottokar est abattu par la DCA syldave (équipée de matériel français de détection sonore !) qui au contraire n'arrive pas à intercepter le Lysander ( ?) Bordure( ?) d'Objectif Lune. Le sommum de violence aéronautique est atteint dans Coke en Stock qui cumule un attentat à la valise piégée, de l'attaque au sol d'une colonne blindée puis de navire de pêche par les Mosquitoes, l'un des Mosquitoes abattu par Tintin et le grenadage du sous-marin pirate par les deux hydravions de l'US Navy.
Pour Hergé l'avion est donc avant tout un moyen de transport moderne et synonyme d'aventure, pas un engin de guerre.

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